Tout le monde connait La Garde-Freinet, pittoresque village niché au cœur du massif des Maures. C’est là que j’ai décidé d’amener les adhérents de la section en ce beau mercredi férié du 11 novembre, car pour faire beau, il va faire beau. Nous avons de la chance surtout que la reconnaissance que j’avais faite une dizaine de jours auparavant en compagnie de mon ami Jacques, ne s’était pas passé sous des cieux aussi cléments. En fait le temps avait été bouché presque toute la journée. Les sommets couverts de nuages ne nous permirent pas d’admirer le panorama comme nous l’aurions espéré.
Mais avant de commencer, un petit mot sur l’historique du village. En fait, on sait peu de choses sur son origine. Il est bâti sous une éminence rocheuse, le « castrum de Fraxinet. » On a longtemps pensé que le fort Fraxinet avait été édifié par les sarrasins quand ils envahirent la Provence. Or les ruines qu’on y a découvertes ont été datées entre le XIIe et le XIV siècle, alors que l’invasion mauresque eut lieu entre le IXe et Xe siècle soit deux siècles auparavant. Il faut dire que l’on connait mal cette période, les maures n’ayant laissé que peu de traces de leur passage. Il faut se retirer des mémoires certaines idées reçues. En fait d’invasion, ce ne fut qu’une poignée d’individus qui débarquèrent au début dans le golfe de Saint-Tropez, une vingtaine de pirates tout au plus, venus de la région d’Al Andalous en Espagne, actuelle Andalousie. L’endroit leur plut tellement qu’ils y firent souche et firent venir d’autres colons qui s’y installèrent à leur tour. On pense qu’ils ne se regroupèrent pas autour de La Garde-Freinet mais qu’ils occupèrent un espace beaucoup plus important sur les hauteurs des Maures. Ils y restèrent ainsi plus d’un siècle asservissant les autochtones, vivant de rapines et de razzias, mais apportant aussi leur culture. Ils furent défaits par le comte Guillaume de Provence lors de la bataille de Tourtour en 973.
Les Sarrasins furent chassés mais tous ne partirent pas. Ils se fondirent dans la population au cours des siècles et y laissèrent quelques traditions comme le « tambourinaïre » par exemple.
Revenons au castrum de Fraxinet. Il est plus probable qu’à l’instar d’autres villages provençaux, le hameau fut construit par les habitants sur une hauteur autour du château seigneurial afin de se protéger des invasions courantes en ces temps obscures. Le nom de La Garde-Freinet vient sûrement de « garde » à causes de sa position stratégique au dessus du seul passage joignant la vallée de l’Argens au golfe de Saint-Tropez, et de « freinet » qui tire son origine d’une importante forêt des frênes qui couvrait alors le secteur.
En des temps plus cléments, les fraxinois abandonnèrent leur position élevée mais inconfortable du fait du manque d’eau et de la difficulté d’y cultiver la terre. Seul resta un temps le château, jusqu’en 1589 plus exactement où il fut détruit en pleine guerre de religion par le capitaine Montant sous les ordres du maréchal de La Valette lieutenant-général du duc d’Epernon, afin qu’il ne puisse servir de refuge aux huguenots. Le village se développa au XIXe siècle avec l’industrie du liège. On comptait en 1849, 660 bouchonniers pour une population de 2687 habitants.
Plus tard le massif des Maures fut exploité pour ses gisements de métaux non ferreux tels que le cuivre, le zinc ou encore l’antimoine. Mais ce fut plutôt l’exploitation de mines de plomb argentifère qui se développa autour de La Garde-Freinet, la ville de La Londe étant alors un important centre de traitement des métaux extraits dans les Maures.
La Garde-Freinet vit actuellement essentiellement du tourisme.
Voilà, après cette longue introduction éducative (certains diront que j’ai étalé ma science et ils n’auront pas tort), venons-en à la randonnée proprement dite.
Nous arrivons sur place vers 10h15. Nous ne sommes que 13, mais je ne suis pas superstitieux. Jacques, mon équipier pour la reconnaissance a tenu à m’accompagner. Nous découvrons l’endroit avec un autre regard. Sous un ciel bleu immaculé, il faut reconnaître que le paysage est plus gai. La marche commence par une descente en direction d’une petite retenue d’eau que nous traversons au niveau d’un gué. Il faut alors marcher dans l’eau tel Saint-Pierre, mais comme le niveau ne dépasse pas les semelles de nos chaussures, nous ne nous mouillons pas les pieds. Nous longeons un moment le ruisseau des Riaux qui nous sépare de la route située sur l’autre versant de la vallée.
Après un petit détour pour aller voir la retenue d’eau des Neuf Riaux, qui en fait n’offre aucun intérêt, nous attaquons la remontée vers un sommet portant le même nom que j’ai choisi pour effectuer notre pose de midi car l’endroit est dégagé et offre une belle vue sur la campagne environnante.
Après manger, par un sentier forestier à peine visible, nous rejoignons la piste qui monte de la plaine des Maures vers la route des crêtes. J’ai demandé à mes camarades d’amener une lampe car une entrée de mine s’ouvre sur le bord du chemin. Nous allons la visiter. Je passe pour un idiot lorsque Paulo, parti en tête, constate que la galerie ne fait que cinq mètres de long tout au plus.
Plus loin, nous entrons dans une châtaigneraie. Comme c’est la saison des châtaignes, nous ne pouvons nous empêcher d’en ramasser malgré l’interdiction. L’important est de ne pas se faire pincer, ce qui n’est pas le cas de l’ami Francis qui ne peut s’empêcher de montrer sa cueillette au seul autochtone que nous allons rencontrer. Ce dernier menace d’avertir les autorités si Francis ne jette pas immédiatement sa cueillette frauduleuse. Bien en avant, je n’ai pas assisté à la scène. Le coupable s’exécute de mauvaise grâce. Il en ramassera plus loin.
Nous sortons bientôt du couvert des châtaigniers. Quittant alors la grande piste par un petit chemin grimpant en lacet au milieu de la bruyère en fleur, nous rejoignons la route Marc-Robert au niveau d’un col offrant un jolie vue sur le massif des Maures côté sud.
Par un petit sentier très raide, nous atteignons les crêtes. Nous découvrons en face de nous le magnifique golfe de Saint-Tropez. Le chemin s’aplanit et devient plus aisé. Nous sinuons au milieu d’un paysage semi-désertique d’où émergent ça et là des excroissances de roches déchiquetées. Nous arrivons bientôt au lieu-dit des « Roches Blanches » le bien nommé, car il y émerge du sol un éclatant filon de quartz blanc très curieux. Autour de l’amas rocheux, le sol est jonché de petits morceaux de quartz blanc donnant l’impression qu’il a neigé, c’est très étonnant.
Mais nous devons songer à redescendre vers La Garde-Freinet que nous apercevons au loin au pied de la falaise. Nous atteignons le village par les hauteurs, au niveau de la croix des Maures. La vue qui s’offre à nous de La Garde-Freinet s’étalant sous nos pieds, est magnifique. D’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à apprécier le site, une route carrossable permet d’atteindre l’endroit. Le parking est complet. Pour redescendre au village, nous passons sous la croix. Cette dernière a une histoire cocasse. Haute de 6 mètres, elle fut érigée le 3 mai 1900 par le curé Mathieu en plaine période d’anticléricalisme afin n’embêter un notable athée possédant la plus grosse maison du village située en plein dans l’axe de la dite croix. « - Ainsi, tu auras le christ en face de toi jusqu’à ta mort » aurait dit le curé frondeur. Jusque dans les années 70, elle servait aussi plus prosaïquement de paratonnerre.
Nous rejoignons enfin le parking et partons à pied au cœur du village à la recherche d’un bistrot pour rafraîchir nos gosiers altérés. Seulement, nous avons oubliés un détail, nous somme le 11 novembre et tout est fermé, sauf une petite épicerie. Qu’à cela ne tienne, l’ami Gilbert fait l’emplette d’une bouteille de limonade et une de jus d’orange, ainsi que deux packs de bière que nous allons siroter sur le parking à côté des bagnoles malgré le froid vif qui s’est installé avec le soir, sous les yeux étonnés de quelques ânes de Provence parqués dans un pré derrière un mur.
Pour terminer, comme nous étions somme toute peu nombreux, je ne résiste pas à l’envie de vous citer les participants : Dominique et Claude Housinet, Christine et Francis Reyes, Jacqueline et Jean-Marie Sullice, Robert Monthéard, Paul Gérard, Jacques Andréani, Gilbert Navarro, Brigitte Zinck, Brigitte Auzende et Jean-François Defforges.