06 octobre, 2014

RETOUR DU CHEMIN DE SAINT JACQUES

Et voilà, me voici de retour du chemin de Saint Jacques de Compostelle.
Il m'a fallu un mois pour accomplir les 730 km qui séparent Le Puy en Velay de Saint Jean Pied de Port. 
J'étais parti avec plein d'idées préconçues. J'imaginais avec mon ego sur-développé accomplir un exploit. Mes rencontres se chargèrent de rabattre singulièrement ma fierté. J'ai vu des gens beaucoup plus âgés que moi venir de plus loin et aller jusqu'à Saint Jacques. 
Bien-sûr, on rencontre aussi des touristes. Ceux-là portent un sac minuscule et se font transporter à l'étape un monceau d'affaires inutiles. En général, ils marchent en groupe et n'accomplissent que des segments du chemin ne dépassant guère une à deux semaines. Ces derniers n'ont rien compris à l'esprit du chemin. 
Le vrai pèlerin marche seul. Je pourrais citer beaucoup de personnes ayant accompli un exploit autre que le mien. Ce jeune suisse allemand par exemple, rencontré sur le causse de Limogne. Handicapé par une maladie dégénérative, il est parti de Suisse à pieds pour rejoindre la via Podiensis au Puy. Au bout d'une semaine de marche, il s'est rendu compte qu'il n'y arriverait pas ainsi. Qu'à cela ne tienne, il a fait demi-tour, est rentré chez lui et est aussitôt reparti avec son vtt. Un autre exemple, Eva, une jeune allemande rencontrée dans la deuxième partie de mon voyage. Elle venait du lac de Constance en Allemagne et a mis déjà un mois pour aller au Puy. Et elle se rendait à Santiago. Elle n'était pas la seule. Au début du pays basque, j'ai rencontré une dame d'un certain âge, qui elle revenait de Saint Jacques à Pieds comme au moyen-âge. Elle avait commencé son voyage début mai et avait déjà parcouru plus de 2000 km. Alors qu'étais-je moi avec mes 730 petits kilomètres. 


Quelles leçons dois-je retirer de mon voyage outre l'humilité? D'abord, le GR65 n'est pas un GR comme les autres. C'est en premier lieu un chemin de rencontres. S'il en est ainsi c'est tout d'abord parce que pratiquement tout le monde va dans le même sens et se trouve dans ce que je qualifierais "la même galère". Tout cela facilite les rapprochements. Les motivations qui animent les pèlerins permettent aussi d'avoir des relations profondes. 
Je garde encore des contacts étroits avec des personnes que je n'ai côtoyées après tout que quelques jours, Margot et Magda par exemple. Nous les avions rencontré le premier jour de notre voyage lorsque je marchais encore avec Gérard, et avons fait route de concert durant 4 à 5 jours. Je les appelais "mes polonaises". La belle Margot, cinq minutes après que nous ayons fait connaissance me débarrassait déjà d'une partie de mon trop lourd chargement. Pourtant, elle portait elle-même un poids conséquent. J'avais l'impression d'avoir rencontré des anges. Durant tout le trajet effectué avec elles, j'ai eu la sensation d'être porté par leur enthousiasme et leur gaieté. La séparation fut d'autant plus douloureuse. Malheureusement leurs vacances tiraient à leur fin, elle devaient rentrer à Paris reprendre le travail. Nous nous sommes quittés à Saint-Chély d'Aubrac. Pourtant durant tout le reste de mon voyage, elles ont quotidiennement gardé le contact avec moi, soit par téléphone, soit par SMS. 
Plus loin, à Figeac lorsque après son malaise Gérard a décidé d'abandonner le chemin, j'avais pris la décision de continuer seul. Je retrouvai alors quatre jeunes suisses allemandes que j'avais déjà aperçues au gîte de Conques. Lorsqu'elles me virent solitaire le soir au gîte de Cajarc, elles m'invitèrent spontanément à partager leur repas. Il n'en fallait pas plus pour sceller une nouvelle amitié. Comme avec "mes polonaises", je fis un bout de chemin en compagnie de "mes suisses allemandes." j'avais lié sympathie tout naturellement avec la petite Kristin qui parlait le mieux français. Sur le chemin, nous chantions ensemble des chansons de Maxime le Forestier, de Joe Dassin et bien d'autres, et nous nous racontions notre vie. Kristin avait à peine la trentaine. J'ai eu l'impression que durant ces quelques précieux instants, nos différences d'âges étaient abolies.
Et puis, il y a eu Roger le niçois, Jean-Pierre qui marchait malgré une valve au cœur, Annika une autre suisse, René le québécois (on ne dit pas canadien, ça les vexe), et ces 4 autres québécois, le père de 75 ans et deux de ces enfants adoptés, ainsi que son petit-fils, qui portaient les cendres d'un troisième enfant mort prématurément pour aller les répandre dans la montagne entre Saint Jean et Roncevaux.  
Je pourrais encore en citer bien d'autres. Chaque fois, ces rencontres furent pour moi d'une grande richesse.

Je vais parler à présent un peu du chemin. Tous ceux qui m'ont suivi de loin imaginent le trajet parcouru dans sa globalité. Mais lorsque l'on effectue soi-même ce parcours, on l'envisage complètement différemment. On ne voit en fait que ce que l'on peut accomplir dans la journée. Les distances se limitent à l'étape journalière. Le lendemain est un autre jour. Ce n'est que lorsqu'on fait le cumul des étapes que l'on se rend compte de la distance parcourue. Mais elle semble virtuelle. On n’appréhende réellement l'ensemble du chemin que par le souvenir des paysages traversés.
Les bobos ! Les principaux évidemment sont les ampoules et les tendinites assez fréquentes sur le chemin. Ces dernières sont souvent dues à un manque d'hydratation. Les ampoules elles restent un mystère. Il n'y a pas vraiment de raisons précises d'en avoir. Les chaussures peuvent être responsables de leurs apparitions mais pas seulement. Il faut éviter au départ les chaussures neuves. La forme des pieds et leur sensibilité peuvent être une autre cause, mais il n'y a pas de science exacte. Certains ont des ampoules, d'autres pas. Pour ma part, j'ai eu de la chance, je faisais partie de ceux qui n'en n'ont pas. 
Ensuite, il y a les autres douleurs. Ces dernières vont et viennent, évoluent et changent d'endroit au court des jours et même au cours d'une même journée. Le corps, merveilleux instrument, s'adapte rapidement au poids du sac et aux maux qu'il occasionne.

Maintenant l'outil indispensable de tout bon pèlerin, la bible du GR65, c'est le MIAM MIAM DODO. On trouve toutes les informations utiles sur ce livre : les hébergements, les distances entre ces hébergements, les services utiles (distribanques, postes, épiceries, médecins, boulangerie, points d'eau, restos...) C'est l'outil indispensable. Il fournit en outre des conseils avisés que j'aurais moi-même dû lire avec plus d'attention avant mon départ, cela m'aurait évité pas mal de désagréments. Ce livre permet de réserver à l'avance ses hébergements. Certains le font à l'ancienne et ne réservent rien. Certains gîtes gardent des places libres pour ces gens là, mais hélas pas tous. Il est donc plus prudent de réserver un à deux gîtes d'avance, ce qui évite de se voir refouler et être obligé de faire des kilomètres supplémentaires ou de payer des chambres d'hôte au prix fort. Il faut savoir que le chemin est devenu un business. Il reste bien-sûr des gîtes qui gardent l'esprit pèlerin. Ils sont souvent tenus par d'anciens pèlerins d'ailleurs. Globalement, nous sommes plutôt bien reçus.

Alors, pourquoi ne tenteriez-vous pas vous même l'aventure ? Elle est à portée de pratiquement tout le monde. Je ne suis pas un héros et je l'ai quand même fait, et seul sur la moitié du chemin, chose que je n'aurais même pas imaginée il y a six mois.
Il reste que le chemin de Compostelle vaut tous les régimes "Weight watcher" du monde. J'ai perdu en un mois 8 kg ! Et je ne me suis jamais privé de manger. Dans les gîtes, les menus sont copieux.

Alors, à bon entendeur, salut !


Remerciements : 
Christian Plancot qui a suivi mon chemin au jour le jour, informant quotidiennement les adhérents de mon avancée.
Gérard Desseigne mon compagnon de voyage durant les 15 premiers jours, celui qui m'a mis sur les rails.
Jacqueline mon épouse dont les appels téléphoniques journaliers ont contribué à maintenir mon moral.
Toutes les personnes qui ont fait un bout de chemin avec moi. Je ne les citerai pas de peur d'en oublier.
Enfin les adhérents de mon association, et particulièrement ceux qui m'ont envoyé leurs encouragements durant mon voyage.