RÉVEILLON A BLIEUX

Il existe un lieu qui semble avoir été épargné des implacables modifications du temps.
Si c'est encore la Provence, ce n'est déjà plus celle de Pagnol : la Provence de Manon, du Papé et de Gallinette, rythmée par le chant des cigales, mais celle plus rude et austère de Giono. Ici, la vie a depuis toujours été une lutte de tous les instants contre le climat, la montagne et les terres pauvres. Les gens y sont à l'image de leur pays, secrets, méfiants à l'égard de l'étranger. Et l'étranger ici, c'est celui qui vient de la vallée d'à côté. 
Pourtant, c'est l'endroit que nous avons choisi pour fêter ensemble le réveillon de la Saint-Sylvestre. Blieux, c'est le nom du village où nous nous retrouvons. Vous ne connaissez pas cet endroit, c'est normal, on n'y passe pas par hasard, si on veut s'y rendre, il faut l'avoir décidé. Il y a quelques années encore, sans l'aide magique de Google Map, vous auriez bien été en peine de trouver où pouvait bien se cacher Blieux. 
Pour s'y rendre, il faut d'abord affronter les routes sinueuses du Haut Var jusqu'aux vertigineuses gorges du Verdon. Puis après Castellane, grimper un col par de multiples lacets jusqu'à la clue de Taulanne, coup de serpe dans la falaise calcaire, avant de redescendre en direction de Barème. Cette route est célèbre, c'est par là que Napoléon Bonaparte est passé à son retour de l'île d'Elbe. Une fois redescendu dans la vallée de l'Asse, il ne faut pas louper la petite route qui, par une vallée très encaissée, nous mènera après un trajet de 6 kilomètres à peine, mais qui parait interminable, au terme de notre voyage, la Vallée de Blieux. 
Coincé dans un écrin de montagnes qui en cette saison étincellent déjà de leurs premières neiges sous le ciel bleu limpide et profond des hivers du sud. Il n'existe pas de superlatifs pour décrire la beauté sauvage de ce site. le temps semble s'y être arrêté. L'ancien village, perché sur un piton rocheux, dresse ses maisons de pierres sèches. L'austère agencement des constructions lui confère l'allure d'un château médiéval. 
C'est au cœur du village perché que se trouve le gîte de la Chambrette où nous accueille notre hôte, Joël Allard, responsable du gîte depuis le début de l'année. Joël n'est pas de la vallée, il est belge ! Il a amené de sa Belgique natale la convivialité et l'hospitalité. 
Pour ma part, je ne suis pas en terre inconnue. Je connais le gîte depuis plus de vingt ans, aussi les chemins de la vallées n'ont plus guère de secrets pour moi. Je l'ai sillonnée de long en large à de multiples occasions et ne m'en suis jamais lassé. Chaque saison apporte au paysage une lumière nouvelle. Mais en ce 31 décembre l'heure n'est pas à la randonnée, il faut songer  à ce fameux réveillon, décorer la salle, monter la sono et commencer les préparatifs du repas de fête. Les convives arrivent petit à petit tout au long de l'après-midi.
Je les oriente vers leurs chambres respectives. Nous serons au total 22 ce soir autour de la table, ce qui n'est pas mal pour un réveillon tombant en milieu de semaine. 
Pierre Kurtz, notre chef cuisinier est déjà à ses fourneaux. Il nous concocte une daube de sanglier à sa façon. 

La fête commence vers 21h00 quand tout le monde est là. Elle s'achèvera vers 04h00 du matin. Après un repas somptueux, nous ouvrons les cadeaux que nous avons tous apportés et qui sont distribués au hasard. Puis viens l'heure de la danse. C'est là où j'entre en jeu, je me transforme en DJ'M le disc-jockey de l'association. Nous avons même au cours de la nuit la chance d'assister à un feu d'artifice préparé par notre ami Alain Biacabe, premier spectacle pyrotechnique organisé dans le village de Blieux. Il sera à l'image de village minuscule mais beau. 

Le lendemain voit déjà partir plusieurs invités qui souvent pour des raisons professionnelles doivent regagner leur foyer. Pour les autres, la journée se passe à la découverte de la vallée.
J'ai prévu des randonnées mais seulement pour les jours suivants. Il fait encore beau, mais hélas, ça ne va pas durer. Pour couronner le tout, placé près de la porte extérieure toute la soirée, j'ai attrapé la crève. Enfin, je fais contre mauvaise fortune bon cœur, je suis heureux de débuter l'année dans cet endroit qui m'est cher, marqué pour moi de nombreux souvenirs. 
J'ai une pensée pour Martial, un Toulonnais expatrié qui vivait ici un peu en ermite  depuis de longues années et qui nous a quitté début 2013. A partir de ce soir, nous sommes en demi-pension. C'est l'ami Joël qui s'y colle. Nous n'allons pas le regretter, il va nous gaver.
Ces belges, ils n'ont pas le sens des mesures, il n'empêche que c'est un excellent cuisinier.
La soirée se poursuit par un karaoké organisé par mes soins. 

La première randonnée que j'ai préparée doit se faire le lendemain, jeudi 02. Hélas, la journée débute sous la pluie qui va tomber sans interruption jusque tard dans l'après-midi. Alors puisque nous ne pouvons pas marcher, nous nous occupons comme nous pouvons, nous retirons les décorations de la fête, puis organisons des jeux de société. Plusieurs personnes partent  encore aujourd'hui. Ce soir nous ne serons plus que treize.
J'organise quand même une petite balade  vers le hameau de Thon qui va nous permettre de découvrir de curieuses concrétions de glace sous la falaise qui domine le tumultueux torrent, l'Asse de Blieux.  Nous retournerons au gîte avec des semelles compensées. Pascale et moi nous astreignons à nettoyer dans l'eau glacée de la fontaine du village nos chaussures lestées d'une épaisse et pesante couche de boue grasse.  
A l'heure de l'apéritif où nous avons convié notre hôte Joël et sa famille, nous avons la visite de Geneviève l'apicultrice de la vallée, authentique blieuxoise, que je connais depuis les premières fois où je venais ici ainsi que Régis qui vit à Blieux depuis son enfance.

Vendredi, il ne fait pas beau, mais il ne pleut pas. Il ne nous en faut pas plus pour que nous décidions de faire la randonnée prévue. Notre amie Dominique qui vient d'apprendre qu'elle est grand-mère depuis ce matin hésite à nous suivre. Elle aimerait filer à Toulon voir son premier petit-fils. Mais pour ne pas réduire encore les personnes restant au gîte, elle décide de rester avec nous. Vers 09h00, nous démarrons la randonnée. J'ai prévu de nous rendre à Sénez, le premier village au sortir de la vallée en direction de Digne. J'ai calculé un itinéraire qui nous fait effectuer un circuit. Le ciel est chargé et il ne se découvrira pas de la journée. Heureusement, en contrepartie, il ne fait pas froid. Par moment il bruine un peu, mais cela n'entame pas notre volonté et notre bonne humeur sauf pour Dominique qui craque après une heure de marche et décide de faire demi-tour. Michèle lui prête se bagnole, elle va pouvoir aller voir le petit Clarence. Pour les autres le sentier continue. Vers midi nous atteignons Sénez où nous cherchons un toit afin de nous abriter de la pluie qui n'en finit plus de menacer. Nous allons trouver un auvent qui fera l'affaire devant la salle des fêtes du village. Ce n'est pas la pluie qui va nous faire écourter la pause de midi, mais le froid.


Dès que nous sommes arrêtés, il pénètre insidieusement en nous, et nous sommes vite transis. Personne n'insiste pour faire la sieste. Le trajet du retour va se charger de nous réchauffer et bien nous réchauffer. J'avais déjà emprunté le sentier que nous allons suivre et il m'avait laissé un souvenir d'une rude montée. Nous n'allons pas être déçus. En plus d'être rude, cette montée va s'avérer interminable. Nous arriverons à Blieux à la nuit tombante après un arrêt chez Geneviève pour effectuer l'achat de quelques pots de miel. Nous sommes vannés, nous avons fait 19 km pour 940 m de dénivelé. 
Le soir nous faisons encore honneur à la bonne cuisine de Joël Allard.

Samedi, il a plu toute la nuit,  et il pleut encore. J'avais prévu une petite randonnée, mais nous sommes découragés, nous décidons de rentrer. 
Le temps de répartir les bagages et les gens dans les voitures et de ranger un peu le gîte, c'est l'heure des "au revoir". Nous saluons notre hôte et lui donnons rendez-vous pour une autre fois qui sera je le pense relativement prochaine. J'ai ma petite idée là-dessus.
Il y sera question de moules et de frites, mais je n'en dis pas plus...   

Retrouvez le gîte de Blieux en cliquant sur le lien ci-dessous :

GITE LA CHAMBRETTE A BLIEUX