23 novembre, 2015

LA MONTAGNE DE LA LOUBE

       Il est 06h30 ce dimanche matin. Un vent violent a balayé la ville toute la nuit. Je n'ai pas trop envie de me lever. J'entends encore le souffle de la tempête malgré le double vitrage de la fenêtre de la chambre. Il fait encore nuit lorsque je me décide à m'extraire de mon lit.
Franchement, je me demande pourquoi j'ai décidé d'aller à cette satanée randonnée. Mais j'ai dit à des adhérents de l'association que je participerais à cette marche, et  je n'ai qu'une parole. Je ne vais pas le regretter.

       Emmitouflé dans une épaisse polaire achetée sur le chemin de Saint Jacques, je jette mon sac à dos dans la voiture et file au lieu du rendez-vous dominical pour constater que peu de gens ont eu le courage d'affronter les éléments. Nous serons en tout et pour tout 9 à suivre André aujourd'hui. 
Nous nous entassons dans deux voitures direction La Roquebrussanne. Un seul point positif dans cette journée, c'est le ciel que le vent a nettoyé de tous nuages. 

       La marche démarre. Un vent glacé s'engouffre en rafales dans les rues étroites du village.
Les bonnets de laine sont de rigueur. Quitté les dernières maisons, ça grimpe tout de suite. J'essaie d'imaginer ce que nous allons endurer dans les crêtes de la Loube. Mais pour le moment le vent ne nous gêne pas trop, la pente sud de la montagne nous protège. Nous devons même bientôt retirer une couche de vêtement. L'effort de la grimpée nous a réchauffé. Nous arrivons bientôt au pied d'une falaise abrupte flanquée d'une ancienne construction. Il s'agit de la cabane des Orris près de laquelle surgit d'une faille de la paroi, les eaux claires de la source du même nom. L'Orri en occitan est une habitation pastorale
d'estive. Cette masure collée contre sa falaise constituait un abri de berger. 
André profite de la courte pause effectuée près de la bergerie pour nous expliquer la suite de la randonnée. Si nous continuons plus avant, nous allons devoir grimper dans une cheminée au prix de quelques difficultés. En quelques mots, il va falloir "mettre les mains."
Nous avons la possibilité d'éviter l'escalade et de redescendre afin de prendre un autre itinéraire un peu plus long. Mais comme nous sommes peu nombreux, nous décidons d"une seule voix de tenter le coup. La seule personne n'ayant jamais effectué de sorties avec André, c'est Claudie qui se laisse entraîner malgré une légère angoisse sur la suite des événements. 
Avec Paulo, je décide de rester derrière avec elle pour l'aider à passer les obstacles. La "novi" s'en tire plutôt bien. La cheminée franchie, nous traversons un paysage féerique. Le site dolomitique est planté de grandes chandelles de calcaire dont certaines présentent des formes presque humaines. L'étroit sentier grimpe au milieu de ces monolithes étranges. Les appareils photos crépitent. Ce sont ces dents de roche qui ont donné son nom à la montagne. La louba était une grande scie maniée par deux bûcherons. De loin ces excroissances dolomitiques font vaguement penser aux dents de la lame d'un scie. Jadis la montagne de la Loube portait un autre nom, le mons Pennicus de penna, pointe. 

        Au-delà d'un dernier buisson de romarin, nous sommes surpris de déboucher sur une ancienne route goudronnée. Il s'agit de la voie qui permet d'accéder aux installations radio qui surplombent le sommet de la montagne à 834 m. Nous la suivons un moment avant de nous écarter des antennes et autres paraboles pour rejoindre la pointe ouest du massif sur laquelle a été érigé un poste d'observation incendies. Une abrupte échelle permet d'atteindre une trappe par laquelle nous n'hésitons pas à nous aventurer. Le vent a singulièrement diminué si bien que nous pouvons rester sur notre nid d'aigle sans aucune gêne.
La vue à 360° est y est extraordinaire. L'air que le vent à rendu limpide nous permet de voir au loin les montagnes alpines déjà enneigées. 
Mais nous devons déjà nous arracher à la contemplation car midi approche et nous devons trouver un coin approprié pour effectuer notre pause repas. Nous allons choisir une plateforme ensoleillée au pied d'un rocher.

          Après le repas, nous attaquons la descente vers un large col au-delà duquel s'élève un autre massif, l'Amarron.  Le retour vers La Roquebrussanne nous permet de passer près de la jolie chapelle Notre Dame d'Inspiration au milieu de son écrin de verdure.  Elle fut construite sur les vestiges d'un ancien château détruit en 1707. Elle fut un ermitage jusqu'en 2001, date du décès du dernier ermite. L'amphithéâtre que l'on peut voir sur l'esplanade fut bâti au XVIIIe siècle par l'ermite Bormes avec les pierres de l'ancien château.


          Nous regagnons le bourg vers 15h30. Nous avons largement le temps d'aller boire le pot de l'amitié bien au chaud derrière la verrière d'un bar. En effet, la température a singulièrement baissé. Le soleil bas de cette fin d'automne n'est plus assez puissant pour réchauffer nos os. Ce n'est pas grave, nous regagnons nos véhicules, c'est l'heure de rentrer sur Toulon. 


         Je remercie encore André pour cette superbe randonnée finalement pas si difficile que ça.
Dommage pour les poltrons qui n'ont pas eu le courage de tenter l'aventure, et qui ont raté une bien belle journée.